Écologie : le grand perdant du Cambodge – par Ivan

Ce qui frappe le plus dès que l’on arrive au Cambodge est l’état de saleté général et le nombre de déchets en plein air que l’on trouve partout. Ce n’est pas une nouveauté pour nous les voyageurs. Les autres pays nous ont souvent, hélas, fait voir des cours d’eau chargés de plastiques, des bords de routes sales avec leurs bordures d’immondices, mais jamais comme ici.

Respect des animaux ???

C’est par petites touches que nous avons compris le peu de respect que les Cambodgiens ont pour la nature en général. Cela s’explique bien entendu par la disparition des élites intellectuelles sous les Khmers rouges, la reconstruction difficile et le boom économique actuel. Mais les petits exemples qui suivent sont assez parlants.

Un jour en allant louer les kayaks de mer à côté du Sailing Club, les deux loueurs ont un chat parmi les étagères de voiles et de gilets de sauvetage. Le chat miaule fort, d’un miaulement d’animal malade. Tout de suite les occidentaux que nous sommes, avons pitié de la bête et un élan d’empathie nous incite à aller vers l’animal pour le caresser. Voyant nos regards, l’un des deux hommes prend les devants et sourit, puis tape sur la tête du chat pour le faire taire.

Calli l'amie des bêtes

Calli l’amie des bêtes

Les animaux en Asie sont rarement considérés, car tous sont vus comme des sources de protéines. Par exemple, nous sommes agréablement surpris du nombre de chiots que l’on voit dans chaque ferme. Comment ne pas craquer face à ces petits chiens tout mignons. Curieusement, il y a peu d’adultes. Les Français ici nous expliquent que dès qu’ils ont une taille adulte, les chiens sont revendus puis transformés en viande.

Même les insectes n’échappent pas à ce traitement, puis que tous ou presque sont consommés. Les vers blancs, les scorpions, les sauterelles, fourmis rouges, abeilles, blattes et même, spécialité d’ici, les tarentules. Ces dernières se préparent frites à l’huile, ou bouillies à l’eau chaude. Bon appétit.

Respect de la nature ???

IMG_7271La biosphère n’est pas logée à meilleure enseigne. Il est frappant de voir que les jardins sont peu soignés et généralement restent des étendues d’herbe plus ou moins vertes, avec quelques arbres. Les plantations d’arbres fruitiers datent de la colonisation pour une bonne part, et les sacs plastiques poussent plus volontiers sur les sols que les légumes. Et personne ne semble choqué d’avoir son jardin inondé des déchets parmi lesquels paissent les vaches, qui doivent être bien intoxiquées elles aussi. Bien sûr de temps en temps ils ratissent tout ça et y mettent le feu. Ils ne sont pas à quelques fumées toxiques près.

IMG_7269Dans la rue où nous habitons, sur un kilomètre une nouvelle ligne électrique a été posée. D’abord les pylônes en béton, puis la ligne. Le long du trajet, quelques arbres vénérables empêchent le bon passage des fils. J’ai imaginé naïvement alors que, comme en Europe, ils allaient tailler les branches gênantes. Eh bien non ! Ils ont passé directement la grue à travers les branches, jusqu’à ce que celles-ci éclatent, généralement jusqu’au tronc. Des arbres déchirés, brisés, écorchés en lambeaux ornent désormais le bord de la route.

Le long du bord de mer, il y a une mangrove superbe. Elle est mise en valeur et replantée grâce à un programme du Programme de l’Environnement des Nations Unies. Des panneaux annoncent d’ailleurs qu’il est interdit de couper les palétuviers. Et pour cause. Kep est réputé pour ses crabes et ses crevettes, mais en moins de 10 ans, il n’y en a presque plus. Quant aux gros poissons et aux tortues, elles sont devenues inexistantes. Hors, tous les crustacés comme les poissons lorsqu’ils sont petits, trouvent refuge et nourriture dans l’enchevêtrement des racines de la mangrove. Pas de chance pour eux, une route 4 voies et en train de passer à moins d’un mètre de cette forêt aquatique, pour relier la Thaïlande au Vietnam. Les villages de pêcheurs sont rasés et repoussés de l’autre côté de la route. D’ici un ou deux quand les travaux seront finis, tout cela sera un dépotoir et la mangrove, tout comme les populations de pêcheurs traditionnelles seront mortes.

IMG_7220Hier c’était le Nouvel An chinois. Avec les enfants et Julien nous sommes allés nous mêler à la foule locale sur la plage de Kep. Des centaines de personnes partout. Parmi les nageurs, des sacs plastiques, des bouteilles et des gobelets flottent allègrement sans que cela ne gêne qui que ce soit. Des jet-skis se faufilent un chemin à toute vitesse entre les têtes des nageurs et tout le monde s’amuse dans la fumée de gasoil. Comme dit Julien avec un humour triste, « il est interdit de fumer dans la mer, le risque inflammable est trop grand ».

Une terre à bout de souffle

Les rizières dans les pays asiatiques semblent toujours vertes et prolifiques. Mais le sud du Cambodge ne connaît qu’une seule récolte par an contrairement à ses voisins Vietnam et Thaïlande. Pendant la saison sèche, on peut voir la terre nue, craquelée et lessivée. Sa couleur jaune-blanche montre peu de nutriments, qui de toute façon doivent être cuits par le soleil. Il n’est pas besoin d’être un expert en agriculture pour voir que cette terre agricole n’est pas bien portante du tout. Je me souviens de Bali où les rizières en repos, dans les rares cas où elles le sont, ont une terre sombre et riche.

De plus, la multiplication de l’habitat et des routes détruit les rizières. La paysannerie est considérée comme arriérée et haïssable, encore plus la campagne. Ce paysage est donc méprisé et maltraité par les nouveaux citadins, qui sont pour la plupart des ruraux exilés économiques. Pourtant, il serait simple d’enrichir ces terres agricoles. En effet, la paille de riz n’est pas coupée et reste sur pied. Si elle était simplement fauchée et mise au sol, elle conserverait la fraîcheur et l’humidité, éviterait le lessivage et pourrirait sur place, créant ainsi un humus. Pendant la saison sèche, une plante verte pour fixer l’azote permettrait d’améliorer encore le sol et à la saison des pluies, le riz serait encore plus beau.

Le saviez-vous : le riz cambodgien remporte depuis des années le premier prix du riz asiatique pour sa blancheur, sa taille et sa qualité. Mais là encore, les choses risquent de changer rapidement. En effet dans les marchés, les vendeurs nous vendent surtout du riz sorti de sacs provenant du Vietnam.

Plastique : l’ennemi nº 1

En Europe le cas du plastique est déjà  pénible à voir. Ici c’est une invasion catastrophique. On le trouve partout, absolument partout. Dès qu’on achète un fruit, une boisson ou un objet, le vendeur vous donne un sac plastique avec. Si vous prenez trois petites choses différentes, chacune est dans un sac plastique différent. Et avant de partir, pour faciliter le transport, le commerçant vous enveloppe les trois sachets dans un plus grand. Même pour un verre de jus de fruit, il existe des sacs-poignets de transport pour votre gobelet. Les routes, les jardins, les champs, les rivières, la mer, les forêts, partout on trouve du plastique.

Le manque d’éducation est bien entendu la principale cause de cela. À l’école où vont les enfants, à la sortie se trouvent des vendeurs de glaces ou de jus de fruits, de chips et de bonbons. Dès qu’un aliment est consommé, les enfants jettent les emballages plastiques à leur pied. Pourtant dans cette école tenue par des Européens, ils sont sensibilisés au fait de mettre tout cela à la poubelle. Il y a bien une poubelle qui trône à la sortie de l’école, avec une belle couleur et décorée d’une bouche et d’une paire d’yeux pour attirer les enfants. Mais les détritus sont autour de la poubelle, pas dedans. Leurs parents font comme cela, pourquoi cela changerait ?

IMG_7189Autrefois, tous les récipients étaient fabriqués avec des produits naturels. Les plats en feuilles de bananiers, les ustensiles de cuisine en bambous ou en tressage de fibres, et ainsi de suite. Ils pouvaient jeter tout cela sans s’en préoccuper, car tout finissait par se biodégrader. Il y a 5 ans encore, le Cambodge et même sa capitale étaient calmes, peu pollués. Aujourd’hui tout le pays est en pleine effervescence, connaît un boom économique et suit le même chemin catastrophique que la Chine si aucune conscience écologique ne vient rapidement tirer la sonnette d’alarme. La nature est détruite pour faire place aux chantiers, les montagnes sont creusées pour obtenir de la pierre et fabriquer du ciment, les villes sont polluées et poussiéreuses, les gens se déplacent avec des masques pour pouvoir respirer.

Un français, Toulousain sympathique, vient à la villa de temps en temps et nous raconte la chose suivante : « Vous avez vu le gros crabe à l’entrée de la plage avec le bandeau Keep Kep Clean 2014 ? Une association pseudo écologique est venue expliquer aux habitants qu’il fallait ramasser tout le plastique qui traînait. Ils ont fait ça avec spectacles, clowns et force musique. C’était la foire et tous les Cambodgiens ont adoré. Ils sont venus en masse. Puis tous se sont mis à ramasser partout le plastique. Mais quand une main est pleine, que fait-on pour continuer à ramasser ? Et bien on jette ce qu’elle contient. Ils avaient oublié de proposer des sacs poubelles. Du coup après leur passage, la ville était encore plus sale qu’avant, car les habitants avaient ressorti tous les plastiques des fossés, des forêts, pour finalement tout balancer sur la route de bord de mer ». À elle seule, cette histoire permet de comprendre que le chemin sera long à parcourir pour ce peuple, mais que le naufrage écologique promet d’être rapide.